Il y a 60 ans, Monsieur Icard eut l’idée folle de créer une école dédiée au commerce avec une innovation révolutionnaire pour l’époque : des stages en entreprise et des projets associatifs !
Jean-Pierre Barade a fait partie des étudiants « pionniers » de la promo 1964, la toute première promo de l’ISC. Il nous raconte…
Bonjour Jean-Pierre.
Raconte-nous comment était la promo « ISC 64 »
La Promo 64 n'était composée que de garçons, ça peut paraître incroyable aujourd’hui, mais les concours des écoles n’étaient pas ouverts aux filles à l’époque. La première Alumni ISC fille date de 1973 de mémoire.
Nous étions la plupart du temps en costume-cravate, c’était la tenue des « jeunes professionnels », et ça faisait partie de l’apprentissage.
Nous étions 40 jeunes hommes, tous sélectionnés par Mr. Icard, le fondateur de l’ISC qui s’appelait alors « Institut du Commerce ». Mais deux élèves manquaient à l'appel au début des cours d'où une première promotion de 38 individus. On est très loin des cohortes actuelles des écoles !
Le cursus d’études durait deux ans, alors que la plupart des autres écoles de commerce prévoyaient trois ans. Cette durée courte fut d'ailleurs pour plusieurs d'entre nous la raison de leur choix pour accéder plus vite au marché du travail.
Y avait-il déjà des associations ?
Oui, ça a tout de suite été la marque de fabrique de l’ISC ! C’est un des points qui ont fait sa différence et sa force.
Si maintenant toutes les écoles ont des associations, ce n’était pas le cas à l’époque. Paul Icard a été́ réellement précurseur avec un projet pédagogique original : « entreprendre pour apprendre ». Les associations étaient de « petits laboratoires entrepreneuriaux » internes à l’école qui nous permettaient de mettre directement en pratique les enseignements reçus en cours.
Il y avait Paris Commerce, (le journal interne) ; Rallye (l’ancêtre de Motors) ; Relations Extérieures dont je m’occupais et le BDE qui participait beaucoup à la vie de l’école et même à l’élaboration des programmes de cours.
C’était une ambiance studieuse ou plutôt festive ?
Nous étions des étudiants plutôt calmes, même si on savait faire la fête après les cours ! De toute façon, Paul Icard n’aurait pas toléré de dérapages. Il avait une aura incroyable : quand il parlait, on se taisait, on écoutait et on obéissait.
C’était un chef d’entreprise qui aimait former et faire grandir ses équipes. Nous étions ses élèves, mais avant tout de futurs collaborateurs.
Où était située l’école ?
L’ISC était situé dans un petit hôtel particulier de l'avenue Léon Heuzey dans le 16ème arrondissement à Paris, en réalité une impasse.
Une anecdote sur l’ISC ?
Le 1er logo de l’école a été créé par un designer célèbre, Raymond Loewi, à qui on doit notamment le logo de Shell, (celui avec la coquille). Malheureusement j'ai légué mes archives à l'école et je n'ai plus d'exemplaire de ce logo.
Un mot pour résumer l’ISC à ses débuts ?
Si je devais ne retenir qu'un mot de l'école, ce serait " ANIMATEUR". Au début beaucoup craignaient que l'école ne forme que des VRP, des représentants commerciaux. En réalité ce vocable « d'animateur commercial » s'applique à toutes les fonctions de l'entreprise et doit servir de « fil rouge » même aux PDG, quelle que soit la taille de la société.
Pourquoi avoir choisis l’ISC, une école encore inconnue ?
En fait, la majorité des postulants avait comme moi échoué aux concours d'entrée des grandes Ecoles de commerce et ne souhaitait pas retenter une année de prépa incertaine ! Et il faut dire aussi et surtout que Paul ICARD qui recevait personnellement chaque candidat avait un don exceptionnel pour nous convaincre en racontant sa carrière personnelle réussie de conseil des plus grandes entreprises françaises où nous espérions pour plusieurs d'entre nous trouver notre premier emploi.
Qu’est-ce qui, selon toi, a fait le succès de l’ISC ?
C'est cet état d'esprit que nous a transmis Paul Icard : être l'ANIMATEUR, celui qui entraine l'équipe et montre l'exemple ; être toujours POSITIF et DYNAMIQUE, en ACTION ! C'est ce qui m'a permis de faire une belle carrière dont je suis fier, et qui prouve que l'argent est utile, facilitateur mais pas indispensable et ne suffit pas pour "réussir".
Extrait du journal "La Vie Française" du 22/05/63 pour étayer :
"Dynamiques, les élèves de l‘Institut Supérieur du Commerce le sont à un haut degré. Conscients de l'originalité de leur école, qui s'est ouverte seulement à la dernière rentrée scolaire, déjà convaincus de la valeur des contacts directs, ils ont pris l'initiative d'inviter un rédacteur de La Vie Française à leur rendre visite et ont ensuite informé la direction de l'école de leur projet. Cette entorse aux règles académiques habituelles est significative. Ces jeunes se destinent à être des animateurs. Ils commencent par animer leur école avant d'animer l'entreprise qui les embauchera".
Tu as été le premier président de l’association des diplômés. En quoi cette association était importante ?
J'ai créé l’association des Alumni ISC dès ma sortie de l'Ecole et alors que je démarrais mon service militaire. Pourquoi ? C'est l'absence de notoriété de l'ISC et la nécessité pour tous les anciens élèves de s'entraider et de garder ces liens d'amitié très forts que nous avions tissés pendant deux années qui furent en réalité le début de brillantes carrières professionnelles avec une ouverture sur TOUS les métiers et sur le monde.
Ce ne fut pas facile au début de créer toute une organisation sans moyens matériels et sans argent ! Mais avec l'aide de quelques ISC, puis les Présidents très compétents et motivés qui m'ont succédé, l'Association est devenue une réalité active, compétente et qui fait envie à d'autres écoles plus importantes. Et la notion de solidarité entre les anciens élèves est exceptionnelle.
On parle prioritairement bien sûr du positif, mais as-tu un moins bon souvenir ?
Oui, en forme de leçon, car on apprend aussi du « moins bon ».
A titre anecdotique le premier jeune ISC que j'ai embauché dans la filiale à Tahiti du Groupe qui m'employait est parti six mois après chez notre concurrent avec le dossier client !!! Mais ça ne lui a pas porté chance, car la société a fait faillite et il a perdu son emploi.
De temps en temps, mais rarement, un mouton noir se mêle au troupeau… On doit se montrer droit, et j'ai toujours rappelé la nécessité de s'entraider. C’est une des clefs de la réussite.
Tu as eu un parcours professionnel digne du Hall of Fame de l’association. Je sais que tu n’aimes pas beaucoup te mettre en avant, mais peux-tu nous en dire quelques mots ?
Très exceptionnellement je vais partager avec le réseau mon expérience professionnelle, mais c’est vrai que d’ordinaire je préfère rester discret.
En guise de conclusion, quel message aimerais-tu faire passer aux étudiants actuels de l’ISC ?
Vous êtes l’avenir. Perpétuez la réussite, soyez les animateurs de demain !
Merci Jean-Pierre pour ton témoignage et ton implication infaillible au sein de réseau des Anciens.
Retour sur image depuis ma sortie de l'ISC.
Ayant de bons résultats je suis promu au bout de trois ans à Paris pour
prendre le poste de Directeur adjoint de la commercialisation ! Mais ,
me croyant déjà compétent et m'estimant capable de voler de mes propres
ailes je donne ma démission et m'associe en tant que minoritaire à un
architecte-urbaniste pour gérer administrativement des cabinets
d'architecture.
N'étant pas fait pour être minoritaire j'ai démarré à mon compte une
activité de gestionnaire de barges pétrolières à Sharjah dans les
Emirats Arabes Unis, ayant décroché presque par hasard un contrat très
lucratif à ETPM à une époque où les candidats à l'expatriation ne se
bousculaient pas. Mais c'est alors que j'ai compris la finance et que
pour la croissance d'une société il ne suffit pas de faire des bénéfices
si l'entreprise grossit trop vite et demande des investissements de plus
en plus importants.
J'ai donc repris un poste de salarié mais avec des avantages très
spécifiques liés aux contrats que j'apportais et une relative autonomie.
Ma chance a été que la famille propriétaire de la SHRM , concurrente de
la SODEXHO, ayant fermé ses filiales en Afrique du Nord souhaitait se
développer en Europe et ailleurs en rachetant des sociétés similaires.
Et le PDG m'a proposé ce challenge :"rechercher et étudier des cibles
ayant des activités similaires (restauration collective et distribution
alimentaire), et les racheter si possible en commençant par les pays
européens".
C'est ainsi que j'ai pu faire réaliser par notre groupe l'acquisition
d'une première société en Angleterre puis une autre en Belgique ! Les
ayant gérées avec succès pendant deux ans il m'a été demandé de me
consacrer à ces recherches et développer des filiales dans d'autres
pays; c'est ainsi que j'ai repris des entreprises en Asie ( Singapour,
Malaisie, Thaïlande et Indonésie), en Amérique (USA, Canada, Mexique,
Argentine et Chili) tout en continuant à nous développer en Europe (Norvège Pays-Bas) et au Moyen-Orient (Qatar, Bahreïn, Arabie Saoudite, Oman, et l'Iran jusqu'au départ du Shah).
Devenu membre du Directoire , vingt-cinq ans plus tard j'ai proposé
un LBO mais les propriétaires ont vendus la totalité de leurs parts au
Groupe britannique Compass. Sur les cinq membres du Directoire nous ne
sommes restés que deux puis mon collègue a préféré se retirer et je
suis resté seul de l'ancienne équipe SHRM. Deux ans plus tard j'ai été
nommé CEO d'une sous holding de ce groupe mondial
coté à la Bourse de Londres avec la supervision de nos filiales du
Moyen-Orient, du Sud-Est Asiatique et de l'Amérique du Sud. J'y suis
resté dix ans et ai pris ma retraite officielle.
En fait j'ai rejoint quatre amis dans leur société de "private equity"
Connect Capital ce qui m' a permis pendant huit ans de continuer à
participer à l'achat et à la gestion des sociétés de ma région
Provence-Alpes-Côte d'Azur et ainsi de réduire de plus en plus mes
activités professionnelles en même temps que je me désengageais de la
plupart de mes engagements extra-professionnels, à savoir pendant 13
ans Vice-Président de l'International à la Chambre de Commerce et
d'Industrie de Marseille Provence, puis 8 ans PDG du World Trade
Center Marseille Provence.
Mais, après avoir parcouru le monde en tous sens toute ma vie il faut bien un jour revenir à ses priorités et se donner à 100% à ses quatre petits enfants !
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