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L’application StopCovid menace-t-elle vraiment la vie privée ? Tribune d'Éric Salobir (ISC Paris 93) - Le Figaro.fr

Dans la presse

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27/04/2020

L’application StopCovid menace-t-elle vraiment la vie privée ?

Dans leur TRIBUNE du FIGARO/FIGAROVOX - Éric Salobir (ISC Paris 93) et Jean-Louis Davet soulignent que « pour s’assurer que l’application mise en place par le gouvernement ne constitue pas un moyen de surveillance incontrôlé, il faut regarder de près quelle sera sa gouvernance » 

Éric Salobir est président de la Human Technology Foundation.

Jean-Louis Davet est président de Denos Health Management.

Le débat sur l’application StopCovid qui sera porté mardi devant l’Assemblée nationale fait déjà rage dans l’opinion et les médias. Choix du protocole technique, lieu d’hébergement des données… Des questions clés, mais qui peuvent nous faire perdre de vue l’essentiel, alors que l’on parle de vies humaines, d’effondrement de l’économie et de risques d’émeutes de la faim. Et si l’enjeu des applications de déconfinement portait moins sur leur technologie que sur leur gouvernance ?

Il s’agit de proposer des solutions novatrices pour sortir du dilemme entre intérêt général et droits individuels.

Au vu du nombre d’inconnues quant au virus et aux facteurs de contagion, notre société doit se préparer à vivre avec la menace de résurgences. La sortie de crise attendue par la population, vitale pour notre économie et les générations à venir, nécessite donc de passer du mode «catastrophe sanitaire» à un processus de gestion de risques à moyen terme. Les solutions technologiques d’aide au déconfinement et au redémarrage économique ne peuvent donc s’envisager que comme des éléments d’un dispositif plus large, incluant notamment les mesures sanitaires, le soutien apporté aux personnes potentiellement infectées, ainsi que l’encadrement des différents types d’activités économiques et sociales. Afin d’éviter d’être pris dans un faisceau de contraintes qui empêcherait toute prise de décision, un arbitrage entre les valeurs sous-tendant les choix et une hiérarchisation des principes que nous voulons collectivement voir respectés s’imposent.

Par ailleurs, nous ne pouvons laisser ce débat se focaliser sur le seul respect de la vie privée. Entendons-nous bien: il ne s’agit pas de brader cette valeur à la fois fruit et condition de notre démocratie, mais de proposer des solutions novatrices pour sortir du dilemme entre intérêt général et droits individuels. Dans cette situation exceptionnelle, assimiler les données collectées ou utilisées dans la gestion du risque pandémique à des données de santé, éventuellement placées sous mandat de gestion des institutions ad hoc, pourrait, par exemple, offrir des garanties satisfaisantes.

Le principe de nécessité, souligné par le CCNE, nous semble devoir être privilégié.

Outre la transparence du débat, qui ne peut être réservé aux seuls experts, le principe de nécessité, souligné par le CCNE, nous semble devoir être privilégié: si l’utilité d’une solution technologique est jugée trop faible dans les conditions d’implémentation prévues, il conviendrait, soit de modifier temporairement les modalités de son déploiement en adoptant des mesures plus directives, soit de changer radicalement de stratégie en déployant une technologie différente.

De façon concrète, si l’on admet que les applications de contact tracingne sont efficaces que si elles sont utilisées par au moins 60% de la population, deux options s’offrent à nous. La première consiste à accroître le taux d’adoption en modifiant les conditions d’utilisation et en complétant ces applications par des dispositifs à même de réduire l’impact de la fracture numérique, comme des bracelets dédiés. Un tel choix ne peut se faire que dans le cadre d’une gouvernance multipartite et transparente.

Si le suivi du parcours des personnes potentiellement infectées est le mode de gestion habituel des épidémies, et si une application peut permettre son déploiement à grande échelle, d’autres approches apparaissent, qui peuvent constituer une seconde option. On peut notamment citer l’utilisation de modèles prédictifs d’évolution de la pandémie, permettant d’identifier les lieux et situations à risque. Là encore, des risques éthiques existent, tel celui de voir stigmatisés des quartiers ou des populations, mais ils devront être minimisés et mis en perspective de l’efficacité de la solution dans la préservation de la santé publique.

Toute solution efficace passe par l’exercice de solidarités entre des citoyens engagés.

Quel que soit le choix opéré, la mise en œuvre de ces mesures représente un défi dans des sociétés ayant développé une forte aversion au risque. Elle nécessite un accompagnement attentif de la part des pouvoirs publics. Cet accompagnement porte, tout d’abord, sur la gestion et le partage de la responsabilité: elle ne peut pas peser sur les seules épaules de l’individu, au risque de voir stigmatisées les personnes infectées ; cependant, elle ne peut pas non plus être uniquement endossée par le collectif, au risque d’assister à une déresponsabilisation des personnes les moins vulnérables, au mépris de la justice sociale.

Toute solution efficace passe donc par l’exercice de solidarités entre des citoyens engagés. Cela présuppose le rôle de coordinateur de l’État dans la détermination des priorités de la santé publique, la promotion de normes facilitant l’interopérabilité nationale et internationale des dispositifs numériques, ainsi que dans la mise à disposition de moyens.

Les entreprises seront également sollicitées dans le développement et le déploiement responsable de ces technologies et dans l’ensemble des mesures prises pour assurer la santé des employés et des clients, ainsi que la relance responsable de l’économie. L’implication des communautés (communes, corps intermédiaires) dans l’application locale des mesures, est également un facteur clé de succès pour coller au plus près des réalités du terrain et favoriser l’adhésion de la population. Enfin, chacun d’entre nous devra prendre ses responsabilités dans l’adoption de mesures parfois très contraignantes.

Une instance idoine et multipartite pour gouverner ces solutions technologiques doit être créée.

La gouvernance des solutions technologiques apparaît donc comme la dimension conditionnant leur succès ou leur échec. Une instance idoine doit être créée. Elle doit être multipartite: en plus des légitimes garants de la représentation nationale, ainsi que des experts, l’organe spécifique de gouvernance et de contrôle du déploiement de solutions technologiques doit accueillir des représentants de la société civile et des corps intermédiaires, à mêmes de susciter la confiance et l’engagement citoyens.

Cette structure doit fonctionner de manière agile, pour adapter la solution retenue par itérations successives, à mesure que la situation, la connaissance du virus et de ses modes de propagation évoluent. Enfin, l’ensemble de ce dispositif doit être temporaire: si le risque lié à la pandémie est appelé à durer, le caractère modulable des solutions proposées devra permettre d’en réduire la portée, puis de les arrêter en temps voulu, sous le contrôle direct de l’instance de gouvernance.

Ne laissons pas le débat national sur les mesures de sortie du confinement s’enliser dans des querelles d’experts. Hiérarchisation des valeurs, responsabilités et gouvernance: voilà ce qui devrait être au cœur de nos conversations et de nos engagements.

VOIRE LA TRIBUNE SUR Figaro.fr :

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-application-stopcovid-menace-t-elle-vraiment-la-vie-privee-20200427


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